Les maladies du voyage, un enjeu sanitaire mais aussi économique
Les infections contractées en voyage sont fréquentes. Qu’elles soient bénignes ou plus sévères (paludisme, typhoïde, leptospirose…), ces maladies représentent un enjeu sanitaire et économique majeur en raison :
- de la prise en charge qu’elles nécessitent à court terme lors de la phase aiguë, voire à plus long terme en cas de passage à la chronicité ;
- des risques d’implantation en métropole et de départ de vague épidémique (présence de foyers de dengue, du chikungunya, du virus Usutu en métropole…).
Des maladies fréquentes nécessitant une prise en charge adaptée et coûteuse.
Le taux de patients contractant une maladie lors d’un voyage varie de 15 à 70% selon les études, en fonction du profil du voyageur, de la destination choisie et des conditions de séjour.
Les études épidémiologiques sur le sujet ont des méthodologies variées : études avant/après, études centrées uniquement sur les consultations post-voyage en structures de soins, questionnaires envoyés aux voyageurs à leur retour… Les données recueillies au sein de réseaux comme GéoSentinel, portant sur les patients ayant consulté des structures spécialisées à leur retour de voyage, permettent toutefois de dégager des grandes tendances sur l’épidémiologie des maladies du voyage.
Destinations
Les pays en développement (notamment en Asie et Afrique subsaharienne) sont les plus à risque, avec une incidence des pathologies variant de 43 à 79 % chez les voyageurs à leur retour.
Pathologies les plus fréquentes
Les infections cosmopolites, digestives, respiratoires, cutanées ou urinaires sont majoritaires devant les infections tropicales, comme le paludisme ou la fièvre typhoïde.
La diarrhée du voyageur qui concerne 21 à 52 % des voyageurs[1] , reste de loin la pathologie la plus répandue lors des voyages devant la fièvre et les dermatoses. En 2013, selon les données du réseau de surveillance GeoSentinel[2], ¾ des patients malades ayant consulté à leur retour de voyage souffraient d’une affection gastro-intestinale (34 %), de fièvre isolée (23,3 %) ou d’une dermatose (19,5 %).
Les voyageurs les plus à risque d’infections fébriles sévères sont les personnes retournant dans leur pays d’origine pour voir leur famille ou leurs amis.
Près de 40 % des cas de fièvre isolée ont une origine non identifiée. Par ailleurs, une proportion significative de fièvres est due à des germes cosmopolites, viraux (virus respiratoires, herpétiques) et bactériens (légionelles, entérobactéries, germes atypiques). Concernant les fièvres d’origine tropicale :
- le paludisme arrive en tête des causes identifiées (pathologie diagnostiquée chez environ 30 % des malades au retour d’Afrique). On compte environ 5 500 cas de paludisme d’importation en France chaque année responsables de 10 à 20 décès ;
- la dengue était présente chez 15 % des malades au retour d’Asie du Sud-Est, d’Amérique latine et des Caraïbes.
Les autres causes de fièvre au retour des zones tropicales sont la fièvre typhoïde, le chikungunya, une rickettsiose, des hépatites virales aiguës, la leptospirose, la tuberculose, ou une primo-infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH).
[1] Angelo K.M., Kozarsky P.E., Ryan E.T., Chen L.H., Sotir M.J.: What proportion of international travellers acquire a travel-related illness? A review of the literature. J Travel Med 2017; 24: pp. 10.
[2] Leder K., Torresi J., Libman M.D., Cramer J.P., Castelli F., Schlagenhauf P., et al.: GeoSentinel surveillance of illness in returned travelers, 2007-2011. Ann Intern Med 2013; 158: pp. 456-468.
Mortalité des maladies du voyage
Le risque de décès par mois de voyage est d’environ 1 pour 100 000 (1 pour 10 000 pour les professionnels en missions humanitaires). Si les principales causes de mortalité en voyage ne sont pas d’origine infectieuse (accidents cardiovasculaires en tête, suivis des accidents de la voie publique, des noyades, homicides et suicides), les infections représentent 1 à 3 % des décès. La très grande majorité des décès est due au paludisme à Plasmodium falciparum, espèce la plus pathogène présente dans les zones tropicales et la plus répandue sur le continent africain.
Un lourd impact pour les patients et la société en cas de passage à la chronicité
Au-delà du coût engendré par la prise en charge des voyageurs malades lors de la phase aiguë, les maladies du voyage représentent un coût important pour la société lorsqu’elles deviennent chroniques ou laissent des séquelles aux patients : asthénie, douleurs persistantes, complications cardiaques ou neurologiques, lésions oculaires pouvant entraîner une incapacité à travailler…
La médecine préventive du voyage, un recours efficace et pourtant insuffisant
La médecine préventive du voyage est une arme efficace pour réduire la morbi-mortalité des maladies du voyage et limiter le coût économique qu’elles représentent. Effectuée un mois avant le départ, la consultation prévoyage permet en effet au praticien :
- d’évaluer le risque du patient en fonction de son profil et de son projet de voyage (état de santé, contexte sanitaire de la destination envisagée, type d’activités prévues…) ;
- lui délivrer des conseils préventifs pour lui permettre de limiter ses risques : vaccination obligatoire ou recommandée[1], prévention des piqûres de moustiques, chimioprophylaxie (paludisme), règles d’hygiène (alimentaire, hydrique, corporelle…) ou précautions comportementales à adopter.
Si elle est indispensable pour limiter les risques des voyageurs, la médecine préventive du voyage n’en demeure pas moins insuffisamment développée. Selon les données du réseau Geosentinel[2], seuls 40 % des voyageurs malades au retour de voyage avaient consulté un spécialiste de médecine préventive avant de partir. Et parmi les patients ayant contracté une infection à prévention vaccinale, seuls 20 % avaient eu une consultation pré-voyage.
[1] tétanos, poliomyélite, diphtérie, fièvre jaune, hépatites virales, typhoïde, méningocoques, rage, encéphalite japonaise, encéphalite verno-estivale à tiques
[2] Leder K., Torresi J., Libman M.D., Cramer J.P., Castelli F., Schlagenhauf P., et al.: GeoSentinel surveillance of illness in returned travelers, 2007-2011. Ann Intern Med 2013; 158: pp. 456-468.